Perancak 56

Comprendre la beauté des bateaux de Perancak

 À l'ouest de Bali il existe un trésor caché dans un village dont on ne vous parle pratiquement pas dans les guides de voyage. Il s'agit tout simplement des magnifiques bateaux de pêche de Perancak qui rappellent un peu des bateaux viking. Un véritable héritage culturel se trouve dans cette partie de Bali.

A Perancak la flotte des bateaux qu'on y trouve représente une partie des plus anciennes fabrications de bateaux traditionnels en Indonésie même si en fait ces bateaux ne sont pas balinais mais viennent de l'île indonésienne de Madura. Bali était davantage tournée vers l'agriculture que la pêche du coup elle n'a jamais été un centre de construction de bateaux ou de commerce maritime. D'autres iles de l'archipel indonésien par contre sont davantage réputées pour produire des marins et commerçants maritimes, cela inclus les Bugis et les gens de Makasar de Sulawesi. Des musulmans dont les lointains voyages les amenèrent au nord de l'Australie il y a des siècles de cela et ils y travaillèrent avec des communautés aborigènes cotières pour récolter des concombres de mer, un met de luxe échangé en Chine. 

Les bateaux du peuple de Madura étaient parmi les plus décorés de tous les vaisseaux de l'Indonésie et étaient appelés sous différents noms dont : celapak, lete, pakesan, payangan. La version utilisée aujourd'hui par les pêcheurs Balinais est connue sous le nom de selerek. Commandés par des propriétaires de bateaux qui habitent l'ouest de Bali où beaucoup de musulmans se sont installés et dont la plupart des bateaux ne sont pas construits a1 Bali mais à Madura. La technique traditionnelle est toujours appliquée mais les outils modernes rendent la construction plus facile et rapide. 
A part cela peu a changer, les rituels, prières essentiels à la construction de chaque bateau payés par le nouveau propriétaire et conduits par des leaders islamiques de la communauté de constructeurs Madurais. Une des cérémonies importantes du bateau étant le mariage des poteaux de la poupe considérés comme masculins au bois à longue quille droite considérée comme féminin. Le symbolisme est explicite avec les mortaises dans la quille et les tenons dans les poteaux de poupe et de poupe. Le nom pour ces poutres dérivent de termes sanskrit pour penis et vagin qui arrivèrent dans l'archipel comme faisant partie du symbolisme religieux de l'hindouisme il y a plus de 1 000 ans bien avant l'arrivée de les Madurais ont adopté aux alentours du 15-16 ème siècle. 

Un autre rituel important est de percer un "nombril" à la quille, trou dans lequel un grain d'or et une prière écrite sont insérés. Les copeaux de bois sont supposés avoir des propriétés magiques et sont gardés par les propriétaires des bateaux pour de futurs rituels. Le mât arrière haut est le focus des rituels et un autel s'y trouve souvent et il possède à son sommet une sorte de pic serpenté qui représente pour certains "l'oeil" du vaisseau. 

Il est clair qu'avec tous ces rituels les Bugis croient que le bateau est une entité vivante avec son propre esprit. Ses embellissements n'étant pas que de simples décorations mais des talismans qui tout comme les cérémonies elles sont essentielles pour la sécurité et succès et sans eux le bateau ne pourrait être complet ou remplir ses missions, ces croyances datent clairement de la période animiste qui a précédé les religions transportées à travers les siècles par le commerce maritime. Sur les ornements de ces bateaux présents à Bali vous découvrirez parfois quelques symboles hindous qui témoignent de la fusion des religions.

Une fois les bateaux finis d'être assemblés à Madura ils sont motorisés jusque Bali où la plupart des décorations sont ajoutées, peintes par des artisans locaux selon les désirs du propriétaire. C'est ainsi que les propriétaires et les marins sont un mélange de musulmans et d'hindous, les bateaux exposant une fusion de traditions et iconographies islamiques et hindoues. C'est ainsi qu'on trouve ornant les bateaux des dessins de déités hindoues ou des calligraphies arabiques avec une image d'un saint musulman par exemple, mais on peut aussi trouver des dessins plus modernes, Occidentalisés ou pop, tout dépend vraiment du propriétaire du bateau.  On trouve aussi sur le bateau peint de façon très coloré mais sans fonction des piles de longerons de bambou surplombant la poupe et supportées par une structure qui avant était un appui arrière. Quand on demande aux propriétaires pourquoi il y a cela sur leur bateau ils répondent que c'est pour décorer et par tradition. 

Les bateaux selerek vont pêcher de nuit et toujours en paire avec de grands spots pour y voir, parfois ils se rendent même jusqu'à Jimbaran. Le plus petit de ce couple de bateau représente la femelle et a un filet de 100 / 200 mètres de long et pouvant atteindre jusqu'à 75 mètres de fond. Et ce petit bateau a à son bord le patron pêcheur dont le rôle est de repérer les bancs de poissons. Tandis que l'autre bateau plus grand est considéré comme le mâle et avec l'extrémité du filet il entoure le banc. Une fois que presque tout le filet est remonté à bord du bateau femelle les poissons péchés sont alors transférés sur le bateau male entreposés dans la glace. Ce bateau peut être chargé jusqu'à 30 ou 40 tonnes. 

Les bateaux naviguant en paire partagent le même nom souvent lyrique, ou choisi pour apporter la prospérité. Parfois il arrive que les bateaux les plus petits pêchent en solo ils sont alors connus sous le nom de janda : terme pour veuf, divorcé.

L'équipage ne reçoit pas de salaire mais se partage la somme reçue à la revente de la pêche. Une fois réduit tous les frais de pêche ( essence, glace etc) la moitié du profit va au propriétaire du bateau et la moitié restante est alors divisée entre l'équipage. Par contre le capitaine et celui qui repère les bancs de poissons reçoivent une plus grande part que le reste de l'équipage. Ils vont à la pêche tous les soirs sauf lors de pleine lune ou lors du pic de la saison des pluies, ils en profitent alors pour faire l'entretien de leur bateau. 

CONFLIT AVEC LES PÊCHEURS BALINAIS

Depuis quelques années le ton monte entre les pêcheurs Balinais avec leurs petits bateaux traditionnels " jukung et les bateaux selerek. L'industrie poissonnière est en déclin à Bali car la saisons des pluies et les saisons sèches sont de moins en moins prédicables à cause du réchauffement climatique qui bouscule les saisons. Mais aussi et surtout a cause de la surpêche. En 2011 les pêcheurs de ces 2 modes de pêche différents se sont plaints de la mauvaise saison qui ne leur a même pas permis de couvrir leurs frais.  Le problème étant l'utilisation par les propriétaires de selerek de filets avec des trous d'1 centimètre seulement de diamètre et qui ne laissent donc filtrer donc quasi aucun petit poissons alors que la norme nationale exige  2,54 cm de diamètre minimum pour chaque trou du filet.  Seulement le gouvernement n'a pas réussi à renforcer le contrôle de ces filets ou de mettre en place différentes zones réservées uniquement pour chaque dimensions de bateaux ou techniques de pêche. Rappelons quand même que les selerek peuvent avoir jusqu’à 30 tonnes de poissons lors de très bon jour. Avec leurs filets ne permettant pas de laisser s’échapper les petits poissons les selerek mettent en péril le stock de poissons dans la mer : comment est ce possible pour un petit poisson de devenir grand si il n'y en a plus ? Comment les pêcheurs de jukung peuvent ils réussir à vivre si il n'y a plus de poissons à attraper ? Ces pêcheurs seront alors obligés de chercher d'autres sources de revenus pour survivre ...

Si le département de pêche ne fait pas quelque chose pour l'ouest de Bali alors la future génération de pêcheurs ne saura même pas les noms des différentes espèces car il n'y aura alors plus de poissons dans la mer...

 

 de couverture par Dewa

 

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