La crémation à Bali : l'âme libérée
- Par bali-reve
- Le 23/06/2020
- Dans Religion & croyances
Un grand feu s'embrase autour de l'être cher décédé, mais pour les Balinais il s'agit bien plus qu'un au revoir à celui ci car on se réjouit de savoir que le défunt va bientôt atteindre une autre forme de vie. Car pour les Balinais la crémation est l'une des étapes de vie les plus importantes.
Les Balinais considèrent la mort comme faisant partie du cycle de vie qui continue jusqu'à ce que l'âme du défunt soit purifiée; le corps n'étant qu'une enveloppe contenant l'âme. Quand la purification est complète le défunt peut alors être uni avec Dieu mais sous certaines conditions. Si la personne a vécu une bonne vie elle peut peut être échapper une réincarnation et entrer dans l'état de Moksha où on est libre du cycle de vie et de mort. Si le défunt a eu un mauvais comportement dans sa vie il sera réincarné en une position de vie plus basse et si il est couplable de crimes sérieux alors il est puni en étant réincarné en chien, cafard, vers de terre etc
Ngaben est le mot utilisé pour une cérémonie de crémation et peut être traduit par se transformer en cendres. Pour ceux de haute caste et royale cela porte un autre nom mais il s'agit du même rituel : pelebon. Les rites crématoires ne furent probablement introduits à Bali que durant l'ère Majapahit (environ 13ème siècle) mais les Balinais animistes croyaient déjà que leur âme était immortelle et qu'après la mort elle retournait en un être vivant. Pendant des années il y a très longtemps de cela la crémation était un privilège des classes nobles, aujourd'hui à part la disparition de la pratique des veuves s'immolant sur les bûchers funéraires de leur mari les crémations n'ont que peu changé depuis 300 ans, cependant la qualité et l'élaboration a elle évoluée.
Des castes les plus hautes on attend des cérémonies élaborées et grandioses, chose qui peut être difficile pour eux car la facture n'accompagne plus forcément les castes comme c'était le cas avant. À cause du coût des crémations il est commun pour les plus pauvres d'enterrer le mort et d'attendre d'avoir assez d'argent pour faire la crémation ou qu'une crémation collective soit décidée dans le village (en général tous les 3 à 5 ans) pour pouvoir y participer, cette dernière permettant de réduire les coûts. Pour un prêtre ou un membre de la famille royale il est inconcevable d'être enterré. Lorsqu'une personne est morte des offrandes doivent être faites chaque jour, le corps est gardé dans un pavillon familial et il doit être veillé 24h/24, de la nourriture quotidienne doit être placé à ses côtés tout comme du thé/café. Un miroir, peigne et brosse à dents doivent aussi être mis à côté du corps.
On ne peut pas choisir la date de crémation comme bon nous semble il faut qu'il y ait un jour auspice pour le faire et automatiquement à la mort d'un proche la famille devient impure et ne peut entrer dans les temples jusqu'à ce que tous les rituels de purification aient été faits. Des structures temporaires pour les autels, protections du soleil/pluie doivent être construits et des toits faits de feuilles de cocotiers cela occupe donc bien du monde. Quant aux offrandes elles doivent être faites quotidiennement car elles procurent un plaisir symbolique aux ancêtres déifiés et à l'esprit du défunt qui sera bientôt relaché aux dieux. Elles satisfont aussi les mauvais esprits, mais le plus important étant qu'elles implorent Dieu de purifier l'esprit et de renvoyer le défunt sur Terre en une forme plus pure et supérieure. Avant une crémation le corps doit être lavé, cela purifie ainsi le corps et si nécessaire les dents sont limées si cela n'a pas été fait lors du vivant du défunt. Pendant que les prières et les mantras sont récités lors de la purification le corps est frotté avec un mélange de poudre de bois de santal, safran, farine de riz, vinaigre et les cheveux sont peignés et enduits d'huile parfumée. Les mains sont liées et pliées sur la poitrine en un geste de prière. Des morceaux de miroir sont placés sur les paupières, des éclats d'acier sur les dents, une bague en or dans la bouche, des fleurs de jasmin sur les narines, et des clous sur le corps tout cela afin d'assurer une réincarnation plus parfaite : des yeux brillants comme des miroirs, des dents d'acier, une haleine de fleurs et des os de fer. La tête est couverte d'un linceul blanc et un oeuf est roulé sur tout le corps pour signifier sa pureté nouvellement acquise. Le corps est alors entouré de plusieurs mètres de tissu blanc et est attaché au revêtement extérieur qui consiste en du bambou fendu et du rottin, cela donne ainsi une sorte de coffin.
Pour les grandes crémations il y aura au moins un sarcophage en forme d'animal à taille humaine ou plus grand et qui symboliquement accompagne l'âme du défunt vers sa libération. Le sarcophage des hautes castes est appelé lembu et il est de la forme d'un taureau pour un homme et d'une vache pour une femme. D'autres formes sont spécifiques aux castes plus basses : un lion, un poisson éléphant etc. Le taureau est le plus prestigieux car le véhicule de Shiva qui est l'aspect de Dieu qui symbolise la mort, la destruction et le recyclement de l'esprit. Le taureau est aussi utilisé parfois pour les castes les plus basses, dans ces cas là c'est possible si la famille a rendu service à une famille de haute caste, en retour la famille reçoit le privilège d'un taureau. Le sarcophage en forme d'animal est fait à partir d'un solide tronc d'arbre et construit avec une partie arrière amovible afin d'y mettre le corps du défunt au cimetière.
Si le corps qui doit être incinéré était auparavant enterré il est déterré et ce qui reste comme os est alors nettoyé, enveloppé dans un linceul blanc et placé dans un autel temporaire. Un corps enterré ayant été dans la terre impure il n'est donc jamais ramené à la maison, les cérémonies se déroulant à la maison se font avec une effigie où l'âme du défunt réside.
Une tour mortuaire est appelée wadah ou bade et elle représente l'univers balinais avec Badawang Nala : la tortue qui supporte le monde sur sons dos et qui est à la base de la tour, entourée par les 2 dragons serpents Naga Basuki et Naga Anantagoba, cela représente les besoins physiques de l'homme et la sécurité. La tortue et les dragons serpents vivent dans le bas monde : bhur et au dessus d'eux il y a le monde des humains : bwah symbolisé par Bhoma : le fils de la Terre et qu'on trouve à l'arrière de la tour (on trouve aussi Bhoma devant l'entrée de la plupart des temples pour effrayer les démons.) Parfois une photo de la personne décédée est attachée à l'arrière de la tour. Tout en haut est les cieux représentés par les rangées successives de petits toits de taille décroissante comme ceux des merus que nous avons dans les temples. Uniquement les familles royales ont le droit de mettre 11 niveaux sur la tour, les castes les plus basses sont autorisées à 9,7,5,3 toujours un nombre impaire (les pedanda, prêtres brahmanes n'ont quant à eux pas de toit car durant leur vivant ils ont atteint l'union avec Shiva). Entre le paradis et la Terre sur la tour il y a une structure qui ressemble à une maison, le bale balean avec 4 poteaux qui symbolisent les kanda empat (nos 4 compagnons de vie) mais il a aussi un méplat saillant dans lequel le corps est placé pour être transporté de la maison au cimetière. Cela est fait seulement si le corps n'a pas été enterré auparavant, si c'est le cas alors une effigie prend la place du corps car cela serait inapropprié de mettre un corps qui a été en contact avec la terre impure dans un lieu élevé et pure. La hauteur de la tour n'est pas limitée que par le coût mais aussi par la hauteur des cables électriques. Une famille fortunée paiera la campagnie d'électricité pour enlever les fils afin de pouvoir rajouter de la hauteur à la tour, parfois ce sont des bambous faits en forme de T qui sont utilisés pour soulever les fils, certaines tours peuvent atteindre des dizaines de mètres !
Le jour de la crémation la famille entière vient ainsi que les membres du banjar tout comme un groupe de musique traditionnel pour accompagner le cortège, cela donne une atmosphère presque festive à une telle occasion ! Dans la foule on ne voit pas de tristesse évidente car l'âme du défunt va être envoyée dans l'autre monde et les les larmes pourraient déranger l'âme du défunt et rendre son départ difficile. Le corps est transporté du bale à la tour par des hommes. Le corps ou effigie est alors couvert avec le rurubkajeng qui est un tissu blanc sur lequel est inscrit des lettres et des symboles magiques. Le sarcophage vide est porté par le banjar et la tour est faite tournée tandis qu'elle est portée jusqu'au cimetière, l'idée étant de rendre l'esprit confus et de lui faire perdre son chemin pour qu'il ne puisse pas rentrer chez lui et hanter sa famille. Les défunts peu appréciés du banjar peuvent parfois être traités violamment par celui ci et parfois même ne pas venir à la crémation ce qui est source de honte pour la famille du défunt. Cela peut aussi arriver que on refuse de brûler quelqu'un dans son village natal, cela est alors la disgrâce totale pour les Balinais d'être banni de la société, cela arrive encore aujourd'hui, il y a eu par exemple ce cas il y a quelques années de cela pour un membre éloigné de ma famille.
En général un homme de la famille mais le plus souvent un enfant est assis sur le sarcophage jusqu'à l'arrivée au cimetière. On voit aussi un long tissu blanc le lancingan attaché à la tour à un bout et tiré loin devant sur les épaules de beaucoup de personnes qui sont la famille qui ne peuvent porter la tour car trop nombreux, de tenir ce tissu symbolise cet acte. A l'arrivée au cimetière le sarcophage est placé en dessous des pavillons aux toits de toile blanche qui symbolise le ciel. On fait alors le tour des pavillons 3 fois dans le sens contraire d'une montre pour rendre hommage avant de placer tout ce qui a été porté lors de la procession. On extrait alors le corps de la tour pour le mettre dans le sarcophage. Quand tout est prêt pour la crémation on lance alors le feu, la tour est quant à elle brulée séparément. Quand les flammes commencent à s'éteindre on met de l'eau sur les cendres afin que la famille les récupère avec les os restant. Ces fragments brûlés sont mis en forme de corps dans un pavillon spécial et ils sont enveloppés de linceul blanc. Les autres fragments sont placés dans une coco jaune qui est elle aussi enveloppée et décorée. La famille du défunt priera pour son âme puis ira à la rivière ou à la mer pour y jetter cette coco ainsi les 5 éléments du corps (terre, air, eau, feu, lumière) sont retournés au cosmos d'où ils sont venus et l'esprit est libéré à la mer où son essence plus pure sera invoquée pour la prochaine et dernière grande série de cérémonies qui sont faites pour prendre soin de l'âme afin qu'elle puisse se détacher de ses liens matériaux et affectifs, familaux qui la retiennent sur Terre. Après 12 / 42 jours après la crémation des offrandes et des incantations sont faites dans ce but, les familles riches construisent même parfois une seconde tour presque aussi élaborée que celle de la crémation pour l'occasion. 12 jours après la crémation la famille du défunt fera la cérémonie du "nettoyage final "où l'âme peut voler vers les cieux pour son jugement et espérer renaitre en un futur descendant. Si nous échouons à libérer l'âme en négligeant la crémation ou en faisant des rites incomplets l'âme du défunt deviendrait alors un fantôme qui hanterait la famille.
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