Kris

Le kris indonésien : un héritage sacré aux pouvoirs magiques

Le kris est un poignard traditionnel indonésien court en général droit mais parfois ondulé à Bali on le voit désormais le plus souvent à Bali lors de certaines performances de danse ou lors de certaines cérémonies religieuses. Il faut savoir que le kris fait partie de la culture indonésienne, la majorité des Indonésiens croient justement que cette dague possède des pouvoirs ce qui fait qu'elle est traitée avec beaucoup de respect. D'ailleurs saviez vous que le kris indonésien est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2008 ? 

 

HISTOIRE

Il est commun de croire que le kris était l'arme primaire des soldats dans les temps anciens alors qu'il était utilisé comme second armement si ils perdaient leur arme première qui était généralement une lame. Le kris était utilisé lors de puputan (suicides collectifs rituels) des rois de Bali avec leur entourage lors de la colonolisation de l'ile par les Néerlandais car ils préféraient se suicider plutôt que de subir l'humiliation liée à une capitulation. Durant les temps de paix les gens portaient le kris comme faisant partie d'une tenue de cérémonie. Mais le kris est en fait un objet chargé d'énergies mystérieuses et de secrets du forgeron. Avant le kris était souvent décoré et paré de bijoux ce qui le rendait donc cher, c'est pourquoi il était bien souvent le bien avec le plus de valeur qu'un homme possédait du point de vue sekala et niskala ( du visible et de l'invisible ). Il était l'essence de son autorité et de son pouvoir. 

Le kris en fait vient de Java et s'est répandu à plusieurs parties de l'archipel Indonésien tel que : Sumatra, Bali, Lombok, Sumba, sud de Sulawesi, Kalimantan et même jusqu'en Malaisie, Brunei, sud des Philippines, sud de la Thailande, Singapour. Le terme keris a probablement une origine javanaise, il pourrait avoir évolué de l'ancien mot javananis : ngeris qui signifie poignarder, percer. Le mot kris étant le rendu européen de ce mot javanais. 

 

LÉGENDE 

L'une des histoires les plus connues du kris vient de Java et raconte l'histoire dun forgeron de kris qui s'appelait Mpu Gandering et de son client impatient Ken Arok qui avait commandé un kris puissant pour tuer le chef de clan de Tumapel.  Parce que le forgeron reportait à chaque fois de terminer le kris Ken Arok furieux le poignarda à mort. Mourrant le forgeron lança la malédiction que le kris non fini tuerait 7 hommes dont Ken Arok. La prophétie se réalisa et le kris non fini de Mpu Gandring disparu. 

 

LA FABRICATION DU KRIS

Les lames de kris sont généralement étroites avec une base large et asymétrique. Le kris est fameux pour sa lame ondulée cependant les plus anciens kris qui datent de l'époque Majapahit ont une lame droite tandis qu'en contraste on retrouve les kris d'aujourd'hui avec une lame ondulée qui est supposée augmenter la sévérité des blessures infligées. Dans les temps anciens les lames étaient infusées avec du poison durant leur forgeage assurant ainsi que toute blessure serait fatale. Cette façon de faire étant gardée secrète par les forgerons. Sur la lame il y a différents motifs qui ont différents noms et significations qui indiquent les propriétés magiques qu'elle est censée posséder. La lame du kris est faite de différents métaux et contient souvent du nickel, la lame est faite de plusieurs couches de différents métaux.

Les fabricants de kris étaient considérés comme des personnes très importantes car elles devaient avoir le savoir et pouvoirs nécessaires pour créer de tels objets. Chaque roi avait son propre forgeron, toujours une personne du clan Pande qui n'accepte pas l'eau sacrée d'un prêtre ( pedanda ) et ont même leurs propres temples et prêtres.  Le forgeron a une série de rituels et d'interdits à respecter pour fabriquer un kris puissant, il ne doit par exemple travailler que lors de jours de bonne augure, et il doit éviter par exemple les jours tel que anniversaire, mort des parents etc pour que cela n'affecte pas le futur propriétaire du kris. Et lui ou un prêtre doit symboliquement amener à la vie le kris après qu'il est fini. À partir de là le kris doit être traité avec le plus grand respect.  Son propriétaire ne le laisse jamais entre les mains de d'autres personnes ou trainer surtout les kris puissants qui sont rangés précieusement dans des autels spéciaux dans le temple et sortis uniquement pour des cérémonies religieuses. A savoir aussi que cela peut prendre plusieurs années pour terminer certains kris. 

 

LE KRIS ET SES POUVOIRS

A Bali le kris a des attributs spéciaux, par exemple on croit que certains sont directement donnés par un dieu. Aujourd'hui le kris est utilisé pour entrer en relation avec les esprits lors d'une transe ou pour certains rites religieux. Un kris est passé de génération en génération et peut ainsi accumuler pouvoir et sa propore personnalité. 

A Bali le kris est associé avec le naga le dragon, la lame ondulée d'un kris symbolise alors le mouvement du serpent. Certains kris ont un dragon ou une tête de serpent sculptée près de la base du kris et la queue suit les ondulations de la lame jusqu'au bout. Un kris ondulé est donc un dragon en mouvement, agressif et vivant tandis qu'un kris droit est un dragon au repos, son pouvoir dormant mais prêt à entrer en action.

La plupart du temps le kris est gardé caché dans un autel spécial du temple, certains kris doivent en effet être gardés en ayant aucune sorte de toit  au dessus d'eux ou encore certains sont tellement puissants qu'ils ne peuvent passer en dessous de rien même pas à une porte d'entrée. Les Balinais font une offrande spéciale pour leur kris tous les 210 jours du calendrier balinais, ce jour spécial est appelé Tumpek Landep où on bénit tout ce qui est fait de métal : kriss, voitures, scooters etc.

Les pouvoirs magiques du kris sont affectés par la relation numérologique qui existe entre les proportions de sa lame et les dimensions de sa lame avec celles de la main du propriétaire.  Posséder un kris avec des dimensions qui ne conviennent pas serait chercher des ennuis. Il y a plusieurs façons de mesurer un kris pour déterminer ses caractéristiques. En voici 2 qui sont les plus courantes :

Les Balinais utilisent souvent un morceau de busung (feuille de cocotier ) pour mesurer la lame et la largeur d'un kris. Le busung est d'abord coupé pour correspondre à toute la longueur de la lame, puis plié en deux. Cela détermine la moitié de la longueur de la lame puis le busung est plié en accordéon, la largeur de la lame étant ainsi déterminée au milieu, à savoir qu'une longueur est appelée lumbang rai. La nature du kris est déterminée à partir du nombre de ces lumbang rai, essentiellement le rapport longueur / largeur.

La deuxième façon est quant à elle pour juger si le kris convient bien à son propriétaire en mesurant la longueur du kris en unité de la largeur du pouce du propriétaire. L’acheteur place depuis la poigneée son pouce droit en travers de la lame, puis pose son pouce gauche contre ce pouce, puis encore son pouce droit à côté du pouce gauche et continue ainsi jusqu'à arriver au bout de la lame. Il compte ensuite le nombre total de largeurs de pouce et divise le tout par sept. Cela permettra ainsi de connaitre les attributs du kris en question. Avoir un kris aux mauvaises dimensions peut apporter plein de mauvaises choses à son propriétaire. 

On dit aussi que si le propriétaire du kris dort avec celui ci en dessous de son oreiller et fait des cauchemars alors ce kris ne lui apportera que du malheur. Cependant ce n'est pas parce qu'un kris est mauvais pour une personne qu'il sera aussi mauvais pour quelqu'un d'autre. Un kris qui est ondulé doit toujours avoir un nombre impair d'ondulations de lames sinon on considère qu'il apportera malheur. L'harmonie entre le propriétaire et le kris est cruciale. 

Voici les propriétés de kris selon le nombres d'ondulations de leur lame : 

- 1 ondulation :  il a pour fonction d'aider le propriétaire à se rapprocher des dieux et d'aider le propriétaire à réaliser ses désirs rapidement. 

- 3 ondulations : il a une fonction proche de celui à une ondulation mais il souligne un équilibre entre la vie humaine et spirituelle, et aussi plus adaptable à l'énergie spirituelle du propriétaire.

- 5 ondulations : selon l'histoire des javanais, le kris avec 5 ondulations ne devrait appartenir qu'aux rois, au prince et aux familles royales, ou aux nobles ayant des lignées royales. En dehors d'eux, personne ne peut l'avoir. Il a pour fonction de fournir un pouvoir de soutien, une autorité et que son propriétait soit aimé / respecté par de nombreuses personnes. Ce genre de kris est fait pour garder la dignité et le charisme de la noblesse.

- 7 ondulations : 7 est un symbole de la perfection divine. Ce kris est destiné aux personnes qui considèrent que leur vie mondaine est suffisamment parfaite pour pouvoir se concentrer spirituellement. Il est fait pour le roi et les familles royales à des fins spirituelles, il ne peut en avoir que pour la famille des rois qui est mature en âge et enspiritualité.

- 9 ondulations : ce kris est pour l'établissement spirituel et solitaire. Il appartient en général aux aînés et a pour fonction de fournir le salut, la spiritualité. 

- 11 ondulations : contient une énergie magique forte qui peut constituer un bouclier défensif, surtout si la pointe du kris est dirigée contre quelqu'un.

- 13 ondulations : le numéro 13 a une mauvaise signification celui d' un désastre. Mais avoir un keris à 13 ondulations a justement pour fonction d’être un bouclier contre la malchance ou le désastre. 

Il existe des keris avec plus de 13 ondulations mais ceux ci sont rares.

Quant au kris à lame droite c'est un symbole de cœur droit, de confiance en soi et de forte mentalité dans le but d'adorer le créateur de la vie. Tous ceux qui ont ce kris devraient garder le bon cœur, persévérer dans le culte, maintenir la moralité et les moeurs comme l'attitude des guerriers. Ce kris est également identifié comme un symbole des guerriers, de la sincérité et de la responsabilité, de défendre la vérité.  Avant le kris n’était pas seulement une arme, il était également considéré comme une «bénédiction» de la part de dieu pour son propriétaire. Ainsi, quiconque aura un kris le conservera comme une chose sacrée plus qu’une simple arme ou un talisman.

 

LE KRIS DANS LES ANCIENS TEMPS À BALI

Dans le Bali précolonial le kris était important dans la société, il distinguait souvent les gens de castes hautes aux gens de castes les plus basses. Pour un garçon recevoir un kris c'était devenir un homme, capable de combattre lors de guerres, de faire couler le sang lors de sacrifices d'animaux et préparer leur viande pour les offrandes rituelles. Quant aux filles une fois qu'elles commençaient à être menstruées elles avaient interdiction de toucher au kris. Dans ces temps anciens beaucoup d'hommes avaient un kris, sortir de chez soi sans celui ci était considéré à une certaine époque comme une offense sociale. Il était en particulier attendu des hommes qu'ils portent un kris lorsqu'ils devaient aller au tribunal ou pour des rituels de temple. Dans certains contextes un kris pouvait même représenter un homme qui ne pouvait assister à une réunion, il pouvait alors envoyer son kris à sa place. Un homme de rang supérieur pouvait épouser une femme de rang inférieur par procuration en utilisant un de ses kris les moins puissants. Les kris étant plutot un symbole phallique dans les rituels maritaux, un homme enfonce toujours un kris dans une petite natte de bambou pour symboliser la relation sexuelle entre un homme et une femme. 

 

DANSE DU BARONG & LE KRIS

Dans la danse du barong qui en général implique une douzaine ou plus de personnes qui vont en transe et qui se "poignardent" eux même avec leur kris. Par exemple sur une troupe de danse de barong de 100 personnes seulement 40 personnes peut être ont un kris. De ces 40 seulement 25 auront un kris jugé suffisament fort pour être utilisé par ceux qui se poignarderont eux-même en transe.  Lors de cette danse ceux qui vont en transe et qui commencent à se poignarder deviennent furieux contre l'antagoniste du Barong qui est Rangda la sorcière. Leurs muscles se contractent lorsque la lame du kris est dirigée contre leur poitrine. Mais le pouvoir du Barong (qui représente le bien ) est plus grand que le pouvoir du kris et rares sont ceux qui se blessent. Après cela le kris est traité avec de l'huile de coco et rangé jusqu'à la prochaine performance.

Suivez notre page Facebook Bali Revepour ne pas manquer nos dernières actualités.

 de couverture d'article : Tropenmuseum, part of the National Museum of World Cultures under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported

Traditions & société